Je relate les faits dans l’ordre où ils se sont récemment
présentés afin que les pièces du puzzle, pour vous, se mettent en place comme
elles l’ont fait pour moi.

Toutefois, je fais une petite parenthèse à propos de ma
mémoire à trou qui joue un rôle important dans l’enchaînement des
« hasards ». Ca ne me dérange pas, puisque mon inconscient et moi, on
s’entend plutôt bien et que je lui fais confiance… Si je ne me souviens pas de
certaines personnes ou parfois de pans entiers de ma vie, je me dis simplement
que « c’est comme ça ». De plus, des amis fidèles sont là pour me rappeler
certains épisodes. Cela me joue néanmoins parfois des tours qui peuvent être
source d’incompréhension pour les autres… Un soir, dans un bistrot, je prenais un verre avec un ami de
très longue date, Jean-Luc, que je retrouvais après quelques années d’éclipse, et
une autre personne qui a brièvement traversé ma vie. Jean-Luc me “rappela”
qu’il s’était rendu pour moi jusque Paris pour négocier la signature d’un
contrat pour un deuxième ouvrage sur les femmes dans la BD auprès de mon
(pourri d’) éditeur. Je niais avec tellement de véhémence, que le ton monta. Et
la tierce personne de croire, de un, que nous nous disputions, de deux, que
l’un de nous mentait… C’est le moment où nous avons éclaté de rire : mon
vieil ami était coutumier de mes trous de mémoire et moi de devoir reconnaître
que j’en avais… Mais il est vrai que vu de l’extérieur, cette conversation
devait paraître quelque peu surréaliste.

Tout commence, il y a plusieurs mois par un rêve, la nuit.
Mes rêves endormis sont rarement signifiants, mais pour une fois, je sentais
que celui-là voulait me dire quelque chose. J’avais rêvé d’une chatte tricolore
foncée. Et elle ne cessa plus de hanter mes jours.

Un soir, je mangeais avec Sarah qui, regardant ma tribu de treize
chats, me dit tout simplement « il ne te manque plus qu’une tricolore
feu ». Vous imaginez ma tête.
Même si ce genre de coïncidence est fréquent avec nombre de mes amies.

Là, je me suis dit qu’il y avait vraiment « quelque
chose » qui se passait et je me mis donc en quête de « ma »
tricolore. Je regardais les sites dédiés à l’adoption de chatons : rien. J’avais bien vu une annonce pour une petite maincoon, mais
son prix était prohibitif, ce que Sarah s’empressa de souligner, avec bon sens.
Cela fait en plus des années que je refuse d’acheter un chat, et que tous les
miens sont recueillis, arrivés tout seuls, adoptés ou faits maison pour les
dernier.

Je continuais donc là quête de la chatte de mes rêves. Elle
m’obsédait au point qu’un jour en téléphonant à un ami, je crus l’apercevoir
sur le rebord d’une fenêtre dans le jardin en face du mien. Etant myope et ne
voulant pas aggraver ma presbytie, je suis légèrement sous corrigée et cela
laisse donc souvent la part belle à mon imagination… débordante. Ce jour-là,
j’ai été jusqu’à mettre une échelle sur le mur du fond du jardin pour en avoir
le cœur net et découvrir que j’avais confondu la belle de mes rêves avec un pot
de fleurs séchées.

Et voilà que mardi, les choses se sont emballées. Une dame
très active dans le placement de chats abandonnés signale sur facebook qu’est
revenue la saison des chatons à placer. J’y glisse un mot mentionnant que je
suis toujours à la recherche de la tricolore foncée de mes rêves. Et là, je
vois débouler un message de demande d’amitié « pour voir les photos de
chatons ». J’accepte d’emblée et dans le tas de bébé chats sur les photos
j’aperçoit la chatte de mes rêves, qui plus est à poils mi longs. Cristina qui
a recueilli leur maman à demi sauvage habite Mouscron. Ce n’est pas tout près,
mais qu’à cela ne tienne, un rendez-vous est très rapidement pris pour ce
dimanche 13 mars. Les petits sont nés le premier et il faudra donc m’armer de
patience, le temps qu’ils grandissent, mais je veux absolument aller voir la
belle.

Lorsque nous convenons du rendez-vous, je dis à Cristina que
je ne vois même pas où est Mouscron, mais que je trouverai.

Entretemps, elle me suggère que ce serait bien de déjà trouver
un nom à la petite pour qu’elle puisse l’y habituer en l’appelant. J’arrive à
récupérer une photo de la petite merveille et je l’envoie jeudi à Nathalie à
qui j’avais déjà eu recours pour trouver le nom « juste » des quatre
bébés de Mélusine. Nathalie et moi ne nous sommes jamais rencontrées, mais à
travers l’échange de mails, nous avons eu maintes fois l’occasion de nous
apercevoir que nous avions non seulement pas mal d’intérêts communs, mais aussi
une intuition qui nous reliait l’une à l’autre. J’ajouterais aussi une grande
confiance en la justesse de ces intuitions. Tout de suite, Nathalie
« entend » comme moi le son « sia ». Elle fait donc des
recherches sur cette base et m’envoie le soir même ceci :

« J’ai cherché sur le net et j’ai trouvé
ça :

Brighid est celle qui répare les cœurs
brisés et panse les blessures de l’âme. A cet égard, sa puissance curative est
invoquée par l’utilisation d’un charme appelé ciam, un charme protecteur
qui détourne les difficultés et les ennuis dans la vie familiale et dans la
communauté.

Donc je te
propose Ciam 😉 »

C’est trop
beau, tout simplement et je lui dis qu’elle a mis dans le mille, ce à quoi elle
me répond : « Le truc le plus magique est que nous soyons, toi et
moi, sur la même longueur d’ondes en la matière ».

Magique, le mot
a été lâché !

Vendredi
après-midi, je travaille avec une amie, elle aussi grande amoureuse de chats,
et je lui montre les photos de la petiote. Puis quand je lui dis que c’est à
Mouscron, ma mémoire à trou fait une petite bulle : en fait j’ai été une fois
à Mouscron, pour une conférence sur l’image des femmes… C’était, en… oh là là,
en 1999 sans doute. Je me rappelle bien d’une anecdote que je lui
raconte : un professeur au collège de France m’avait demandé des
références qu’il ignorait jusque là en matière de loi de censure de la BD.

Ma nuit de vendredi
à samedi est très agitée. Je fais des cauchemars avec des chats qui auraient
été abandonnés par une voisine de mes parents, décédée entretemps. Rien à voir
avec la réalité, car son chat, je l’ai confié il y a un mois à la fille d’une
amie. Mais dans mon rêve, les chats sont malades, couverts de croûtes sèches ou
sanguinolentes et il va falloir faire euthanasier. Plutôt secouant comme rêve,
mais je suis coutumière de ce genre d’excès, surtout si mon inconscient essaie
de me rappeler quelque chose. Je me retrouve donc tout à coup avec « chat
malade – Mouscron » dans ma tête. Mais oui, bien sûr ! Quand j’étais
allée à cette conférence, où je devais arriver la veille au soir, j’étais très
inquiète pour ma Tigrishka qui avait une infection qui nécessitait la prise
d’antibiotiques. Une amie s’en est chargée, même si elle avait dû se déplacer par
deux fois dans la neige. Quand je suis rentée à la maison, ma chatte n’allait
pas bien. J’ai appelé d’urgence un vétérinaire de garde qui s’est aperçu que le
diagnostic posé n’était pas le bon et qu’en conséquence, il fallait l’opérer immédiatement.
L’intervention se passa bien, Tigrishka se réveilla. Mais, malheureusement,
épuisée par une trop longue infection, elle s’endormit à jamais.

Pourtant,
c’était déjà une rescapée ma toute belle. Au fait, devinez à quoi elle
ressemblait ? Et oui, une tricolore foncée feu, à poils longs. Et voilà
qu’avec ce souvenir m’en est revenu un autre… bouclant la boucle de la ronde
des chats de ma vie.

Tigrishka est
la dernière chatte que j’aie achetée. Venant d’une « usine à
animaux », elle était très malade et dut être mise pendant plusieurs jours
sous perfusion. Comble de malheur, pendant ce temps où la petite chatte luttait
contre la mort, je me vis contrainte à faire endormir ma Clio, mon âme, ma
première chatte. Elle était épuisée et ne tenait presque plus sur ses pattes,
je ne pouvais pas la laisser dans cet état. C’est après plus de deux heures
d’adieux en tête-à-tête au terme desquels j’étais persuadée que tout était
bien, malgré mon chagrin, que le vétérinaire est arrivé.

Tigrishka est
rentrée peu après à la maison. Elle ne s’est jamais vraiment remise de sa
maladie, mais c’était une petite chatte toute douce qui eu l’occasion de
découvrir, trop brièvement, le jardin qui est encore le mien aujourd’hui.

Peu de temps
après le retour de la petite, je fis développer un film, vous savez ces machins
encore sur pellicule. Et, grand « hasard », les premières photos de
Tigrishka et les dernières de Clio se superposaient… Comme si mon âme de Clio
avait donné sa dernière énergie pour sauver la petite malade…

Et voilà qu’à
la veille d’aller voir la petite Ciam, je me retrouve les yeux plein d’eau.
Bien sûr cette petite n’est la réincarnation de personne et ne remplacera
jamais mes autres « filles » disparues. Mais j’aime l’idée de cette
« boucle de la vie » qui, loin de se terminer, est sans cesse
renouvelée…