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Rêve de dragon

Site officiel de Annie Pilloy

Simplement un espace accessible rapidement lorsque l'envie me prend de jeter quelque chose dans la grande toile du rêve...

Ce n’est que ça la vie?

Humeurs Posted on 12/01/2024 03:22

Des débuts pas faciles dans une famille pathologique, ça aide à grandir vite, trop vite.

À treize ans, j’ai cent-vingt ans, au moins. 

À quatorze, je me réveille de six mois ou plus de cauchemar sous Haldol. Je ne sais plus quel âge j’ai. Ce que je ne pouvais, à l’époque, pas encore appeler mon disque dur a été presqu’entièrement effacé. La plupart de mes souvenirs, mais très bizarrement, mon intellect est intact et mes sens ont acquis (ou sauvegardé?) des perceptions qui dépassent l’entendement de mes congénères. Il y en a heureusement d’aucunes qui m’aiment bien malgré tout. Je m’en étonne encore. Je tombe dans Malpertuis et je n’en sortirai jamais.

Avant 18 ans, je réussis enfin en juin une année de lycée, la dernière, ma porte de sortie de l’enfer de la maison. Le monde est à moi, du moins j’aimerais le croire. Sauf que je porte en moi encore pour plus de 15 ans les poisons qu’on y a instillé. Qu’importe, je survis et je vis même parfois, entre sex drug and rock’n’roll et intellect. Je réalise que le Necronomicon n’existe pas, j’avais déjà englouti Sartre, Vian et Camus, mais il m’en faut toujours plus, je dévore Nietzsche, Kundera, Epictète, quelques Badinter, Hubert Reeves, Cioran (et beaucoup d’autres) et je me lance dans l’histoire de tous les continents regrettant d’avoir si peu à me mettre alors sous la dent de ce dreamtime que j’ai vécu dans mes rêves, dans mes tripes. Je continue à voir et sentir sans doute trop de choses, peut-être pas assez, finalement. Et je suis, à un moment précis, à force de lecture sur les autres, les exotiques, les pas pareils, d’un coup terriblement déçue de prendre dans ma gueule d’intello sans diplôme que tout l’art et la civilisation ne sont en fait que le reflet des conditions de vie de ceux qui le produisent. On est vraiment peu de choses ma pauvre dame. Je ne me relèverai jamais de cette révélation. C’est plus qu’une idée, qu’un concept, c’est une compréhension physique et métaphysique terrible. Une chute même pas vertigineuse qui annihile tout espoir de découverte miraculeuse d’un quelconque secret, il n’y a pas de secret des templiers, des moines tibétains, des franc-maçons ou de qui que ce soit. Il n’y a rien que des gens qui ont trouvé des réponses plus ou moins satisfaisantes à leur angoisse métaphysique.

Et cela ne satisfait aucunement les miennes. Je reste avec en bouche un amer « ce n’est « que » ça la vie, l’être humain »…

Alors quand on comprend qu’il n’y a pas de grand secret ou mystère qui n’attend que votre pauvre petit ego pour être révélé, on tombe et retombe d’aussi haut qu’on est monté. Et ça fait mal.

Et on tente alors de faire passer ce précieux temps qui nous est imparti… parce qu’on a compris qu’il n’y a rien à transcender. Juste une vie à épuiser jusqu’à sa dernière ligne. Même que petite et sans grande illusion, elle n’est pas si mal encore cette vie. Pas pire en tout cas. Pas au point de la laisser tomber là. Et on s’étonne quand même un peu beaucoup que des gens à qui cela pend au nez disent, à propos de gens plus âgés qu’eux, c’est mieux pour elle (les lui deviennent de plus en plus rares) d’aller en maison de repos, en mouroirs confortables, en fin de vies protégées… 

Ces vieux que l’on pousse hors de chez eux, c’est vous et moi… parce que la vie, ce n’est que ça. Avoir les illusions et les perdre. Et se sentir nus et vulnérables… et avoir peur qu’elle s’arrête là, trop tôt, cette vie dont on attendait tant… dont on allait percer tous les mystères qui n’existent pas…

Et finalement, est-ce qu’on existe… juste un peu? Je ne sais plus trop, même si certains qui ne sont plus me manquent terriblement…

(écrit en 2016 sur FB)



J’y vais ou j’y vais pas?

Tranches de vie Posted on 12/01/2024 03:13

J’ai été voir un concert ce soir. J’imagine que, quand n’importe qui d’autre va voir un concert, il réserve sa place et attend avec impatience la date de l’événement. Le jour J il se prépare, se déplace jusque la salle, cherche son siège, s’installe et ensuite profite du show. Puis rentre à la maison, peut-être en ayant été manger un bout, ou boire un verre, satisfait de sa soirée.

Vous voulez savoir ce que c’est la version d’Annie? Je ne me qualifierai pas de ces mots à la mode H quelque chose, trop ceci ou pas assez cela. À dire vrai, qu’est-ce que ça change, en quoi ça aide les étiquettes? 

Ce que je vais décrire là vaut pour les concerts, les représentations théâtrales ou n’importe quel autre spectacle… cela vaut aussi pour tout acte sortant de ma routine. Imaginez ma tête quand ma psy m’a suggéré de retourner au cinéma… mais j’anticipe.

Je vais vous faire la version courte, l’accélérée, le teaser. Parce que la longue c’est ma vie, jour après jour, depuis toujours.

Il y a d’abord la décision d’aller ou non à ce concert. Le coup de cœur (comme ce fut le cas pour ce soir) ou le groupe aimé depuis toujours (voilà comment je n’ai jamais vu Bowie). Entrent en jeu la distance, les moyens pour s’y rendre (la voiture peut aider), la salle connue ou inconnue. Si cela nécessite d’aller au Centre Ville, c’est déjà mal parti, impossible hors transports en commun et souvent hors métro. Je n’y vais pas. Si la salle est inconnue: quelle est sa capacité, les places sont-elles fixes ou libres d’accès, comment sont disposés les couloirs et les sièges, est-ce qu’il reste des places près des sorties ou d’où s’extraire facilement? Si un point de fuite rapide ne se profile pas, je n’y vais pas.

Lorsque les conditions sont positives (comme ce soir: à proximité de la maison, petite salle que je ne connais pas mais dans un lieu déjà fréquenté et dont j’ai trouvé les plans), là je me pose la question du prix. Si c’est ok je réserve et… j’essaie de ne plus trop y penser. Parce que si j’y pense (et encore une fois je vous la fais courte!): c’est à x heures, trop tôt pour que je puisse souper avant, est-ce que je ne vais pas avoir trop faim et quoi prévoir de facile pour quand je rentre. Et à quelle heure j’y vais? Si c’est trop tôt, je vais devoir patienter probablement dans une certaine promiscuité avec mes « semblables », dans un endroit bruyant ou peu accueillant où je ne pourrai rien consommer à cause de mes allergies… (je vous épargne les 3000 autres considérations, entre santé, traitements des chats et météo).

À ce stade, rien que de vous en parler, je me sens déjà épuisée. Imaginez si vous le viviez.

Arrive le jour J. Plus que jamais se pose la question: j’y vais ou j’y vais pas? Est-ce que je fais bien? Est-ce que j’ai le droit d’aller m’amuser ou même de me distraire alors que j’étais en larmes tout à l’heure en parlant à la vétérinaire au téléphone. Est-ce que je vais arriver à y aller (mes intestins ne vont-ils pas me pourrir la vie – évidemment qu’ils le font juste avant le départ!)?

Je me mets en route, à pieds… est-ce que je vais pourvoir faire le trajet tranquillement ? Oui j’ai pu le faire.

Arrivée sur place, il y a du monde quand même, savoir où est l’entrée de la salle, attendre dans un endroit proche mais dos à un mur, avec vue sur la sortie et pas trop en promiscuité humaine. Descendre assez rapidement et me précipiter sur la place juste à côté de la porte. Récapituler le plan des lieux vers la sortie. Attendre, voir défiler tous les gens qui tentent de trouver leur place. Commencer à avoir des vertiges, le sentiment d’étouffer, sentir la panique monter. 

La foule est rentrée, la porte juste à côté de moi se referme et je me vide de mon sang. Je vais tomber dans les pommes, c’est pas possible autrement.  Fixer mon attention sur des détails, une latte du sol, tiens BJ est déjà là, elle a l’air sympa! Enfoncer mes ongles dans ma main, tordre mon foulard, essayer de me concentrer sur d’autres sensations corporelles que le vertige. Ne pas me laisser complètement submerger.

Le concert commence, aller retour entre intérêt et malaise. Dans le meilleur des cas je me fais happer et j’oublie un peu le reste. C’est plus facile au théâtre qu’au concert. Parce que la musique, que je n’écoute quasi plus à cause de ça, ça provoque des sentiments. Et les sentiments chez moi c’est l’artillerie lourde, ça m’étouffe, ça m’étrangle, ça sort en gros sanglots, à gros bouillons, ça me fait ravaler ma morve pour ne pas me moucher et essuyer mes yeux avec mon foulard (indispensable le foulard), ça me fait me recroqueviller sur mon fauteuil pour pas gêner ma voisine de gauche, pour pas risquer de la distraire ou, pire, de la contaminer ! Les sentiments parasites s’invitent alors, blessures, ruptures et deuils impossibles. Les images se superposent, mais quand est-ce que je vais atterrir? 

Et c’est comme ça une heure et demi durant. Des hauts trop hauts, des bas en forme de panique et d’envies de fuite… et quelques moments juste vécus, juste magiques qui à eux seuls vont justifier que j’aie subi tout le reste. Tout ce qui fait mon quotidien d’Annie que je ne sais comment qualifier, sinon que j’aimerais tellement que tout soit tellement plus simple. Au point de penser, souvent, à le simplifier, une fois pour toute…



Vlady pour les intimes

Histoires de bêtes Posted on 12/01/2024 03:04

Tout a commencé vendredi après-midi. Je croise deux voisins et l’un des deux me dit: « tu veux un chat? J’ai un ami qui… ». Classique, j’ai même trouvé des gens inconnus devant ma porte avec un matou tout aussi inconnu dans les bras et me le tendant.

Stoïque, je réponds: « non non! » En rigolant. 

Mais le voisin ajoute « sans poil », ma voisine se marre, elle me connaît et a vu ma tête changer…

Je lui demande s’il est sérieux: « oui, c’est mon ex-beau-frère et je lui ai déjà parlé de toi. Il a récupéré un chat chez une fille mais il ne veut pas le garder, il a 3 chihuahuas ». Et de prendre son téléphone et d’appeler le gars! Ils discutent un peu, le chat est toujours à placer, je dois l’appeler… Ma voisine rigole de plus belle.

Je rentre et évidemment j’appelle de suite. Son propriétaire a reçu ce chat via le patron d’une « serveuse » roumaine qui avait des chatons dans un petit studio; je n’en saurai pas plus pour son origine. Il me dit que c’est un sphynx, qu’il a eu un don sphynx 14 ans et qu’il est sûr que ce n’en est pas un. Ça fait un an qu’il l’a mais avec ses petits chiens qu’il préfère, il trouve qu’il ne s’en occupe pas bien, qu’il pourrait avoir une meilleure vie ailleurs. 

Bon… je lui dis ok, je vous rappelle plus tard pour prendre rendez-vous. Entre temps j’appelle mon véto qui travaille le week-end. Je prends rendez-vous dimanche pour 15h30. Hors de question qu’un chat sortant de nulle part rentre chez moi « comme ça ». Je rappelle le monsieur et il est convenu que je passe à 14h30 prendre le fauve. 

Jusqu’au bout j’ai eu peur qu’il ne change d’avis. 

Entre-temps, je montre des photos à des amies éleveuses: pour elles ce n’est pas un sphynx, mais il n’a pas les standards du donskoy non plus. 

Dimanche, je pars à temps… sauf que c’était sans compter sur les embouteillages. Ca me laisse le temps de réfléchir à un nouveau nom. Trop de Ramses autour de moi. Les tunnels sont bouchés (vive good move, on est dimanche putain), j’arrive à changer de chemin et j’arrive 15 minutes en retard. C’est le prétexte tout trouvé pour ne pas rester. 

Je sonne, la porte s’ouvre et là… je manque faire demi-tour: le gars est en peignoir! Je prends mon courage à deux mains et je le suis. À l’intérieur, 3 mini chihuahuas et un chat nu couleur chair qui, très vite, est intéressé par les odeurs sur le panier de transport. Calme et curieux. Je le touche: il est « gummy », cette peau inoubliable que je connais si bien. Pas de poils sur le nez, mais pas de vibrisses. Cela doit être un donskoy même s’il n’en a pas les standards. Je m’en fiche des standards.

Sur le carnet de vaccination, il est pucé et toujours au nom de sa première propriétaire. Le monsieur l’a depuis un an et ce chat n’a jamais vu le vétérinaire.

Je donne les friandises que j’avais achetées pour les chiens par politesse et je prétexte les embouteillages pour me sauver. Pour nous sauver…

Je respire un peu une fois dans la voiture.

Je dégote un trajet bis qui me fait gagner la moitié du temps.

Le chat ne bouge pas dans son panier, ne miaule pas. Mon trajet est sinueux et le pauvre vomit, mais ne se plaint toujours pas.

J’arrive à l’avance chez le vétérinaire. Ça me laisse le temps de nettoyer les croquettes qui sont repassées, de mieux le regarder et le câliner un peu. Petit monsieur est toujours curieux et irait se promener si je le laissais faire. 

Avec le vétérinaire pareil: il se frotte pour faire des câlins. À l’auscultation tout va bien. Mais il n’est pas castré et il s’avère qu’il n’a jamais reçu qu’un vaccin il y a plus d’un an… il est né en juin 2022 et en voyant le cachet du vétérinaire, le mien hausse le sourcil. Ce mec n’a pas de cabinet, ne fait que du domicile et n’est pas des plus scrupuleux. 

Conclusion de mon vétérinaire: « il y en a un qui a eu du bol de tomber sur vous »! 

On décide qu’il passera la nuit chez lui: demain il sera testé FELV et FIV, castré et vacciné. Grosse journée pour lui. Et grosse inquiétude pour moi. S’il devait être positif au test, mon vétérinaire s’engage à le garder le temps de lui trouver une bonne maison sans autre chat.

J’ai eu beaucoup de mal à le laisser, même s’il semblait bien dans sa petite cage individuelle, avec sa couverture et une lampe chauffante.  

Vivement demain début d’après-midi pour des nouvelles et en espérant très fort que tout sera ok et qu’il viendra rejoindre ma troupe, jouer avec Spirit et Pandora et dormir en tas avec les autres!

Ah oui, son nouveau petit nom? C’est Vlad. Vlady pour les intimes.