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Rêve de dragon

Site officiel de Annie Pilloy

Simplement un espace accessible rapidement lorsque l'envie me prend de jeter quelque chose dans la grande toile du rêve...

Tu as passé un bel été au moins ?

Humeurs Posted on 13/01/2024 19:38

Combien de fois devrais-je encore entendre cette gentille question pleine de sollicitude de que je ressens aussi comme un brin de condescendance de la bouche de ceux qui ont voyagé et profité de leur été avec une belle insouciance ?

J’ai passé cet été qui n’était pas vraiment beau, on est en Belgique quand même, c’est qu’il ne faudrait pas l’oublier. Je l’ai passé comme je passerai sans doute l’automne et l’hiver en attendant le printemps. Avec pour horizon une réservation solo pour une pièce de théâtre en avril. 

Je l’ai passé en faisant passer le temps. Je suis passée au travers en me réveillant la plupart du temps avec un « putain fait chier », dit tout haut pour personne, tellement les cauchemars gluants collent à mes nuits et à mon éveil.

J’ai passé de beaux moments et profité de quelques brèves éclaircies en rendant visite à des gens que j’aime bien, furtives parenthèses bien accompagnée. 

J’ai passé de bons moments en allant boire mes verres, généralement trois fois par semaine, avec, la plupart du temps, la chance d’être accompagnée d’une amie avec qui les sujets de conversation ne manquent jamais. C’est précieux!

J’ai passé l’été en allant me balader et parfois visiter l’un ou l’autre lieu de manière impromptue. Rares moments au présent où je ne suis pas en train de me regarder faire et vivre en me demandant « à quoi bon »?

J’ai passé l’été en pleurant, en cherchant un sens à ma présence et à la suite de ma vie, à me demander aussi si je vais réussir à passer au travers d’un filet d’absurdités et d’embûches que des institutions déconnectées de la réalité resserrent autour de nos gorges.

J’ai passé l’été à voir tomber comme des quilles de fausses démocraties africaines et à rire de la France qui s’étrangle de sa perte de prestige (et de revenus juteux). 

J’ai passé l’été à entendre les deux pas en avant et trois en arrière dans un conflit à l’Est qu’on dit le nôtre et qui justifie l’emballement de la spéculation des actionnaires bien planqués dans leur anonymat. 

J’ai passé l’été à entendre, dans l’indifférence générale, que des migrants (pas des êtres humains, des envahisseurs dont il faut se garder !) perdaient la vie en se noyant, en mourant de soif dans le désert où on les repoussait. 

J’ai passé l’été, comme toutes les autres saisons, à prendre soin de mes chats et à constater tristement le vieillissement de certains menaçant leur éternel présent que j’espère heureux.

J’ai passé le temps de l’été à garder les chats de ceux qui, je l’espère, ont pu passer un beau morceau d’été, en versant une larme à chaque adieu, à l’an prochain, peut-être. 

J’ai passé l’été à me demander pourquoi je n’avais pas de nouvelles de certains ou jamais d’invitation chez d’autres que j’aurais revus avec plaisir. 

Mais je comprends bien qu’on préfère vite oublier quelqu’une qui ne dit pas: oui oui j’ai passé un bel été, comme réponse attendue à une question qui, finalement, n’en est pas vraiment une. 

Ce n’est pas que je n’essaie pas la légèreté. Ce n’est pas que je ne tente pas de donner un sens à ma vie. Ce n’est pas comme si j’oscillais sans cesse entre tentatives de lâcher prise et regain de courage: « mais oui, ça va aller ».

Mais de grâce, ne me demandez plus si j’ai passé un bel été. Je l’ai passé, c’est tout. Et c’est déjà pas si mal.

2023



Salomé

Histoires de bêtes Posted on 13/01/2024 19:31

Salomé: la dernière miss bêtises en date, mais aussi une chatte extraordinairement intelligente et qui a le sens de la contenance.

Tout à l’heure, elle a sauté, avec toute la légèreté dont elle est capable, sur le couvercle de la nourriture des bubulles. Tellement délicate que le couvercle mal fermé s’est affaissé sous son poids et qu’elle est tombée dans le seau. Sans se démonter le moins du monde, elle en est sortie sans aucune élégance et a grimpé sur la table… où elle s’est mise à jouer avec les noisettes d’un air complètement détaché et ce malgré que je riais toute seule. 

Même pas un regard furibard à la mère chat indigne que je suis et qui ose se moquer délibérément d’elle. Elle est très forte! 

Un peu plus tard, elle a voulu sauter sur mon dos depuis le four et a raté son coup. Elle m’a à peine effleurée et est tombée assez lourdement par terre. Vexée, elle est partie derrière le divan à toutes pattes… revenant vers moi peu après, l’air dégagé: quoi? Moi mal? Non, pourquoi ? Il s’est passé un truc ?