Une cliente en thérapie qui aime les chats me fit un jour la
remarque que tous mes chats avaient clairement leur personnalité et leur place
chez moi, ce qu’elle n’avait jamais vu cela ailleurs à ce point-là.

Cela m’a amené à réfléchir sur la manière dont je me
comporte avec mes animaux, mais jusque-là sans y prêter attention.

Mon approche est certes bienveillante. Jamais un chat n’est
poursuivi pour jouer, mis violemment en bas de la table (et défendre mon
assiette n’est parfois pas une mince affaire, imaginez cinq félins en cercle
sur les bords de la table et vous au milieu !). Si j’en bouscule un par
malheur, que je coince une patte, je m’excuse avec des mots et des câlins
ensuite. De ce fait, aucun d’entre eux n’est stressé et tous savent qu’ils
peuvent me faire confiance, qu’aucun mal volontaire ou non nécessaire pour des
soins ne leur sera jamais fait. Mais cela suffit-il à faire de neufs félins des
individus à part entière ? Je ne le pense pas. Alors, je me suis prise à
m’observer un peu plus dans mon quotidien avec eux.

Lorsque je me lève, tout le petit monde arrive me saluer,
tour à tour, chacun avec ses habitudes. Et à chaque passage, frôlement,
miaulement, ou simplement présence, je salue chacun et chacune par son nom et j’appelle
les absents au jardin où je descends avec les chiens. Et oui, mes chats
arrivent quand je les appelle, enfin très souvent, s’ils ne sont pas trop
occupés ailleurs ! Et ces marques d’attention se continuent tout au long
de la journée, à travers le respect des préférences de chacun en matière de
câlins, de gâteries. Et très souvent lors de grands moments privilégiés, je
leur raconte leur histoire, leur mythe à eux, comment nous nous sommes
rencontrés, attirés. Ils ne comprennent certes pas le sens des mots, mais bien
mon attitude qui est personnelle, personnalisée même.

En regardant Avatar hier soir et en entendant la petite
phrase de salut des Indigènes : « je te vois », je me suis dit
que c’était exactement cela que je faisais chaque jour avec mes amis à poils.

Et cela faisait déjà quelques jours qu’une autre idée me
trottait en tête, en mettant sur pied une formation, entre autres sur la
communication entre humains cette fois !

Si chacun de nous aspire à être reconnu, à ce qu’on lui
fasse sentir qu’on le voit, qu’il existe pour nous, qu’il est unique, les codes
sociaux, les histoires et blessures personnelles, les apprentissages nous
empêchent bien souvent de dire aux autres ce vrai « je te vois » si
précieux.

En psychologie, l’acceptation inconditionnelle est à juste
titre mise en valeur, tout comme l’empathie, cette faculté de ressentir les
sentiments de l’autre sans en être personnellement touché (car ses blessures ne
nous renvoient pas aux nôtres). Et, en effet, dans une relation thérapeutique,
il est tout à fait possible d’appliquer ce type d’approche.

Mais dans notre quotidien ? Là où nous trimballons tous
nos valises émotionnelles, quelle place est accordée à l’autre, que nous ayons
une histoire en commun ou pas ? Je pense que chacun doit avant tout poser
ses propres limites et ne pas traduire le concept d’acceptation
inconditionnelle thérapeutique comme tout accepter de la part d’autrui. Mais je
pense, a minima qu’une attitude attentive, un regard, un sourire même à un inconnu
ou une inconnue, un salut de la tête ou un bonjour sont déjà autant de signes
pour l’autre qu’il existe pour nous. Si l’on va plus loin, lorsqu’une relation même
« banale » existe, il me semble que le choix délibéré et fondamental
du non jugement moral de la personne (sans pour cela cautionner ses actes avec
lesquels nous ne sommes pas d’accord) est déjà un bon début pour exprimer ce
fameux « je te vois » qui signifie aussi « je respecte qui tu
es » et que nous désirerions tous pouvoir entendre.

Ensuite, bien sûr, il a tous les outils de communication
assertive ou non violente… Et même s’ils paraissent lourds à employer
formellement au quotidien, se les rappeler ne fait jamais de mal !

Et surtout, il ne faut pas hésiter à nous remettre en
perspective, tout en étant aussi gentils avec nous-mêmes que nous serions disposé
à l’être avec autrui !

Tout ne commence-t-il pas finalement, à chaque réveil, par
un « je te vois » bienveillant que nous nous adressons à nous-mêmes ?