Beaucoup d’entre vous l’auront compris, je suis à bout.
Rassurez-vous, je ne vais pas me jeter à l’eau. Fait trop froid.
Mais je n’en peux plus. Un an presque que toutes ces horreurs ont commencé. Avec papa parti comme il a vécu, en égoïste, il a bien fait pour lui, finalement de ne pas s’encombrer de nous et de nous faire un dernier sale tour à sa manière. Il aura été fidèle à lui-même et sera parti en douceur. Il paraît alors qu’on dit paix à son âme…
Mais il reste maman. L’ombre de maman. L’ombre de cette femme qui n’a jamais été câline, même si, à sa manière, un peu bourrue, elle aura essayé d’être parfois gentille. Elle qui n’a trop été que réactions à ce qu’il lui a imposé. Une dictature avilissante.
Ma mère qui a toujours été la dernière personne à qui j’allais me confier quand j’avais des ennuis tant je la savais capable de me porter le coup fatal. Une sorcière sauvage, c’est dangereux.
Et quand on a enfin pu commencer à s’apprivoiser, elle m’a été enlevée.
Et depuis un an, impuissante, je la regarde dépérir.
Les odeurs, les détails: les soins d’une mycose qui attendent 3 jours parce que le personnel débordé n’a rien vu puis attend le médecin et enfin la prescription. Et à quoi ça sert de gueuler contre ces pauvres femmes qui rament à cause des quotas inventés derrière des bureaux?
La femme qui il y a un an m’envoyait par sms qu’elle avait une calcification du calcaneum n’est plus qu’une pauvre créature, incapable de se faire comprendre, la plupart du temps n’arrivant plus à lever assez haut sa petite bouteille pour boire vraiment.
Une chose rivée au lit qui vomit quand j’arrive à lui faire avaler deux bouchées d’une tartine parce qu’elle refusait de manger la « pape » qu’on lui amenait.
Une pauvre hère réduite à se soulager dans des couches et à attendre que ce soit l’heure de la « changer ».
Une maman malgré tout qui parfois encore essaie de me rassurer.
Mais qui regrette que je m’en aille après une heure de ce qui pour moi est le pire des calvaires.
Deux misérables heures par semaine, ou à peine plus, voilà tout ce que je suis capable de lui accorder.
Et encore… Je n’en peux plus… J’ai juste envie de hurler ou de me terrer dans mon lit pour que ça s’arrête. Pour que je n’aie pas eu à évoquer un acte libérateur qu’elle désirait et qu’elle n’a pas pensé à coucher assez tôt sur papier pour qu’on commence à lui accorder de la morphine.
Je me demande à présent si, entre douleur atténuée, et cerveau engourdi, elle se formule encore cette envie d’en finir dignement qui lui sera refusée…
Et moi qui lâche toutes ces insanités sur un « réseau social »… J’y ai quelques amis, des vrais… Heureusement.
Parce que ce n’est pas moi qui suis en train de mourir, mais je n’en peux plus de la voir mourir deux fois une heure par semaine…
J’en étouffe quand je marche jusqu’au home. Je retiens mes larmes et mes cris en en revenant. Sortir les chiens, retomber dans la vie.
Mais je suis à bout et la moindre chose qui m’arrive est de trop… prend des proportions délirantes et m’épuise…
Je n’ose imaginer qu’il puisse arriver quelque chose à un de mes animaux en ce moment.
Si je voyais un poisson flotter sur le dos à la surface de mon étang, ce serait la goutte d’eau de trop.
Mais que faire d’autre que d’aller demain et puis dimanche?
Rien n’est-ce pas…
Mi octobre 2006. 86 ans de ma grand mère. Elle a toujours eu une santé de cheval (c’est bien simple, me souvient pas qu’elle eu plus grave qu’une bronchite en 30 ans. Elle s’est bien fracturé le poignet quelques années plus tôt, en allant promener son chien, mais ca s’est remis sans problème, elle n’a gardé aucune séquelles). Deux ans et une chique plus tôt, elle a fait un avc qui l’a fait plongé dans la démence sénile -> pas le choix, on a du la faire admettre dans un home. Cette dame que j’allais voir…. ce n’était plus ma grand mère. Sa personnalité avait changé du tout au tout. Cette vieille, sénile, en chaise roulante, ma grand mère? non… non… Le temps passe… Elle a un lit d’hopital (avec barrière latérale)… elle fait une chute et se fracture le col du fémur… faut bien comprendre, elle devait aller promener son chien… (mort depuis quelques années, pourtant, à l’époque)… Va t’elle tenir le coup de l’opération??? oui… petit à petit, le dernier mois de sa vie, elle sombre…. elle reste de plus en plus longtemps inconsciente, multiplie les micro avc… Elle décèdera le 25 novembre 2006… elle, en bonne chrétienne, a toujours refusé l’euthanasie. Mes parents et moi avons choisi de respecter ses volontés. C’était la moindre des choses. Mais que ce fut dur…. nous avons simplement pris la décision de la laisser partir, de ne pas faire d’acharnement thérapeutique. A quoi bon d’ailleurs? Pendant ces deux années et une chique, je ne sais pas si elle m’a reconnu une fois quand j’allais la voir. Idem pour papa, son seul enfant… elle semblait généralement contente de nous voir. je crois. je n’en jurerais pas. La seule chose qui lui est restée d’avant, c’est son antipathie (et c’est peu de le dire) pour maman. J’en ai pleuré, crié aussi. Mais, on ne peut rien changer. C’est dur a accepter, mais c’est un fait. La seule chose que je peux faire, c’est prendre mes dispositions pour moi… C’est terrible de ne pouvoir soulager la souffrance de nos proches, quelles que soient les relations que nous ayons pu avoir avec eux….
Désolée mon ermite. Je t’avais épargné ce post sur FB ne me souvenant pas que tu étais ici…
Merci… Je t’aime ma belle!
Il faut accepter, puisqu’on n’a pas le choix. S’accrocher aux petites lumières. Et tu dois prendre du temps pour toi-même, te ressourcer. T’éloigner de tout ce qui vole tes forces, car tu en as besoin pour cette épreuve-ci.
Bises d’une ermite qui t’aime.