J’avais envie de raconter une anecdote qui m’est arrivée dans les années 80.

Je n’ai jamais attendu les réseaux sociaux pour rencontrer virtuellement des gens et échanger avec eux. Pour élargir mon cercle d’amis, surtout quand j’étais enfermée à longueur de temps dans ma librairie (à vendre des DH, des cigarettes et au mieux des Harlequins), je posais des petites annonces « comme certains posent des bombes » avais-je l’habitude d’écrire. J’étais déjà, toujours, provocatrice et je m’éparpillais dans différents supports écrits, de Libé à Rock This Town en passant par le Vlan (magazine toute boîte gratuit). Et je récoltais pas mal de réponses qui parfois m’enchantaient… il se trouve même parmi mes amis Facebook trois personnes rencontrées par ce biais. J’entretenais parfois de longues correspondances passionnées et créatives: on rivalisait de supports papier improbables, dessins, collages, photos; plumes et encres de couleur, écriture en spirale ou sur un rouleau de papier de plusieurs mètres etc. Et bien sûr aussi sur le fond. Beaucoup de musique des années 80, la ville, la mode japonaise qui arrivait en Europe et d’autres sujets plus légers encore ou plus intellos, je suppose. 

Et, fidèle à moi-même, j’avais régulièrement des clashs avec certaines de ces personnes, que nous nous soyons rencontrées ou pas. Et on se perdait alors de vue… sauf que… sauf que des années après j’ai appris par l’une d’elle, qui avait repris contact avec moi, que certains de ces correspondants qui s’étaient sentis évincés s’étaient « regroupés » et, au départ du moins (j’espère pour eux qu’ils ont enrichi par la suite leurs sujets de conversation !) dans le but de discuter de l’affreuse personne snob et sans coeur que j’étais. Ça m’avait laissé absolument sans voix… que peut-on trouver comme bénéfice à entretenir un souvenir négatif, peut-être même douloureux, et à ressasser ses aigreurs, en les partageant et renchérissant sur les outrages subis?

Et bien je me le demande encore un peu plus aujourd’hui. On dirait que rien ne change, et surtout pas mon incroyable talent à m’attirer une constante impopularité.

2022