Posons le cadre: de retour à la maison après un week-end de
travail au Clos, toujours enrichissant et pas mal épuisant…

Mon homme est en répète et je viens de mettre au four un
petit filet pur de porc enrobé de miel et de moutarde et accompagné de morceaux
d’ananas.

Je savoure l’instant sur le pas de la porte lorsque
j’entends un cri strident. Sélèné est sur le petit toit devant la fenêtre et en
arrêt. Bansidh la rejoint aussitôt. Je lève les yeux et j’aperçois sur la
corniche devant la fenêtre du premier étage une perruche grise avec la tête
jaune qui, complètement inconsciente du danger, pousse son cri à de plus belle,
en réponse à celui d’un de ses congénères.

Le temps s’arrête, le calcul est facile: perruche plus 15
chats égal catastrophe inévitable. Je grimpe au premier quatre à quatre et je
trouve la clef de l’appartement de Dany. Jamais je ne rentrerais chez lui sauf
en cas de force majeure, c’en est un! Pas évidente la serrure. Mais j’arrive à
l’ouvrir et je me précipite à la fenêtre que j’ouvre. La bestiole est là et me
regarde d’un œil circonspect. Je l’appelle “Calypso”, vague souvenir du nom de
son espèce. Elle penche la tête et me dévisage. Mes voisins l’ont vue et
appellent leur mère pour admirer la belle. Court moment d’étonnement de la voir
là, Barrfind surgit et grimpe sur la gouttière. J’essaie de le dissuader de
passer plus avant, mais du
premier, j’évalue aussi le risque de chute de mon beau matou si je le chasse
trop ardemment. Cette hésitation permet à mon grand chat de sauter sur la callopsitte.
La perruche s’envole, mais est retenue par le grillage posé depuis peu (et en
vain…) par mes voisins pour empêcher mes chats de passer. Les enfants d’à côté
hurlent et mon beau grand chat, en un magistrale coup de patte, s’envoie le
volatile direct dans la gueule !

Il file sur le mur, poursuivi par les
cris de Luca et Lisa et sans doute descend-il dans le jardin avec sa proie. Je
referme dare dare la porte, dévale les escaliers et, arrivée dans le jardin,
j’entends des hurlements dignes d’un nanar d’horreur sous le banc au pied du
cerisier. J’écarte chiens et chats pour découvrir la callopsitte, ailes
écartées en train d’hurler et de feuler en même temps. Rien à faire, il faut
que je la récupère avant qu’elle tombe entre d’autres griffes.

Mais qu’est-ce qui m’a pris d’attraper
cette bestiole qui loin de comprendre que je suis sa sauveuse me becque
violemment. Bon sang que ça fait mal. Un bec comme un casse noix qui, plus il
se ferme, plus il serre fort. Dans la mêlée, il passe du dessus de l’index ou
pouce pour revenir à l’index déjà meurtri.

Grand moment de solitude : cette
harpie qui me laboure le doigt avec l’énergie du désespoir, si je la lâche,
elle va être la proie de mes monstres adorés ! Inconsciemment j’opte pour
la maîtrise façon chat : je retourne la perruche et je la tiens… par la
peau du coup… enfin par les plumes ! J’arrive ainsi à la maîtriser mais
que vais-je en faire ? Autre grand moment de solitude où je demande, par
dessus le mur, à mes voisins s’ils n’ont pas une cage. Lisa, très à propos me
dit de la mettre dans une cage à chat. Quelle bonne idée, mais comment je
fais ? La dite cage est au sous-sol. Tenant toujours la callopsitte sur le
dos, mais d’une main, j’arrive à ouvrir une des boîtes en plastic dans vide
dans laquelle je mets la nourriture des poissons (pour que les chats ne la
mangent pas !) et j’y fourre le volatile… Je peux enfin respirer, mais je
tremble de tous les membres.

Je rentre la boîte dans la maison et
j’entreprends d’envoyer un sms à mon homme qui descend à ce moment avec Régine.
Il va chercher la cage à chat pendant que j’essaie de me remettre de mes
émotions. J’y transfère la perruche à grands soulagements. Sauf que mes fauves
rôdent autour et que miss plume feule à qui mieux mieux !

Je lui dépose un petit récipient avec de
l’eau et on décide donc de la mettre dans le couloir. Philippe part acheter des
graines et je la déplace dans la salle de bain de Dany à qui j’envoie un
sms : Y a une perruche dans ta salle de bain, je
t’expliquerai ! ».

Philippe me dit alors qu’il a entendu
récemment des cris de perruche venant une maison de la rue perpendiculaire.
J’en déduis à quoi correspond le balcon qu’il désigne (à force de chercher mes
chats je vais devenir incollable sur la topographie du pâté de maison !)
et on s’en va sonner…

Bingo : se présente à la fenêtre une
dame qui ne parle pas français et un étrange dialogue (que je résume) s’engage
en anglais. Elle a pris ces oiseaux pour faire plaisir à son gamin, mais elle
déclare ne pas avoir pensé qu’ils partiraient un mois en août… Donc, depuis
quelques semaines, tous les week-ends, elle dépose la cage des volatiles au
jardin en la laissant ouverte, espérant qu’elles prennent leur envol et se
débrouillent par elles-mêmes !

Je soupçonne être devenue verte, je lance
des regards incrédules vers mon mari. Rien ne sert de faire la leçon à la propriétaire
indigne du couple de callopsitte, cela romprait le dialogue et rendrait toute
solution impossible. Nous décidons de commun accord qu’elle vient reprendre la
belle qui est chez moi et qu’elle tente de récupérer la seconde tandis que je
chercherai une solution pour placer les deux.

Pas facile de transférer la bestiole de
la cage à chats à sa cage ! Nous finissons par enlever le fond des deux
cages et par pousser la miss dans la sienne. Tout ça à quatre dans la salle de
bain minuscule !

L’oiseau reparti j’envoie un sms à
Dany : « Ben elle n’y est plus ». Prenant l’air avant de
déguster enfin le rôti de porc, nous entendant une perruche appeler l’autre et
en voyant la voisine brandir la cage à hauteur du mur et l’autre oiseau s’en
approcher pour s’envoler presque aussitôt.

Entre temps, j’avais envoyé des messages
en vue d’adoption sauvetage sur Facebook et Cristina, qui me fit dont de Ciam
et Isthar, me déclara qu’elle était prête à prendre les orphelines, qu’elle en
avait déjà eu et avait encore des perruches (j’avoue que je n’avais qu’un vague
souvenir du reste de son arche de Noé, n’ayant d’yeux que pour mes belles
lorsque je sui allée chez elle !).

J’ai donc prévenu la propriétaire indigne
des callopsittes qui, je l’espère, fera tout pour rattraper la deuxième avant
qu’elle ne tombe dans la gueule d’un chat et me permettra de les confier à
quelqu’un de responsable.

Ah j’oubliais, de la fenêtre de la salle
de bain, j’appelais mes voisins pour leur dire que « Calypso » était
en sécurité. Et si je me souviens bien, Manu m’a dit quelque chose du
style : ça n’arrive qu’à toi des choses pareilles. Mais non, qu’allez-vous
croire ?