Lors de ma visite à l’exposition sur les aborigènes australiens au Cinquantenaire en 2021, je m’étais offert un mug illustré de l’une de leur peinture. Ce mug avait mal fini: j’étais dans une série casse et il y était passé. 

Quand j’y suis retournée pour l’exposition sur les estampes japonaises, j’étais très heureuse de retrouver le sosie du récipient cassé dans la boutique du musée.

Je le fus moins quand, à la

suite d’une unique maladresse cette fois, je le brisai à nouveau.

Qu’à cela ne tienne, lors de ma dernière visite muséale, début 2024, je remis la main sur le mug tant convoité, le dernier, caché dans un coin près du domaine pascuan. 

Arrivant à la caisse toute fière de ma trouvaille, la petite dame me dit: « Ah mais il m’en reste d’autres, vous faites bien de me le dire, je vais les chercher ». Et de disparaître, m’abandonnant, presque déçue que mon trophée en forme de mug ne soit pas le dernier de son espèce. Quand elle revint, elle déposa son sosie et un autre modèle juste à côté. Je lui racontais mes mésaventures et mes casses successives et elle me dit: « C’est normal ». Je la regardai, perplexe. Elle continua, l’air entendu: « La tasse que vous aviez achetée, c’est une peinture exécutée par les hommes. Celle-là, ajouta-t-elle en poussant vers moi le support à l’autre motif, c’est celui peint par les femmes. »

Je souris par pure contenance et lui dis: « c’est ok, je prends les deux ». Ravie, elle les emballa à grand renfort de bulles et se mit à farfouiller dans les marques page. « Celui-ci, je vous l’offre, pour vous consoler de vos pertes ». Sur l’image issue de l’exposition, une photographie moderne d’une femme aborigène, entre sorcière et veuve noire. 

Et la petite dame d’ajouter: « Je ne me suis jamais sentie aussi bien que lorsque je vendais les pièces relatives à cette exposition-là… tellement de couleurs et tellement de magie ».

J’ai souri et je suis rentrée avec mes deux mugs. 

Un mois et demi plus tard, ils sont toujours entiers.